dimanche 12 septembre 2010

Méfiez-vous des terroristes !

Le 11 septembre est un anniversaire, macabre et dramatique certes, mais célébré diversement selon les humeurs des uns ou des autres. Cette année, pour égayer les esprits et mettre un peu de piment dans une actualité déjà riche de la sottise humaine usuelle, un grand concours a été organisé. Les comités des fêtes concernés, parce qu'ils sont plusieurs et forcément antagonistes (sinon ce ne serait pas à la une des journaux de la planète), ont dû craindre que le souvenir lié aux attentats ne se soit estompé. Pour regonfler la baudruche événementielle, qui avait eu du plomb dans l'aile avec les révélations sur les dessous secrets des attentats (le plomb et la baudruche ne font pas bon ménage, c'est bien connu), ces délicieuses personnes ont organisé « le concours de l'idée à la con ». A peine lancé, ce jeu international a eu un énorme succès. Le jury ne sait plus où donner de la tête pour départager le gagnant du gros lot. Figurent, parmi la liste des « idées à la con » pour cette année 2010, les propositions suivantes :
  • Construire quelque chose aux alentours de l'emplacement des deux tours. Idée géniale car assez vague dans son énoncé pour permettre toutes les interprétations et exégèses possibles et imaginables.
      - Construire quoi ? Un centre culturel islamique pour montrer aux citoyens américains que les musulmans ne sont pas des terroristes. Des passants interrogés au hasard ont été séduits par l'idée et ne l'ont pas trouvée mauvaise. Une « idée à la con » doit pouvoir déclencher des phénomènes d'hystérie collective à des endroits où d'ordinaire il ne se passe rien du tout. Construisons donc autre chose.
      - Mais quoi donc ? Pourquoi pas une mosquée ? Oui, bonne idée ! Dans la tête de l'américain moyen, comme dans beaucoup d'autres têtes, une mosquée n'est pas un lieu de prière mais l'endroit où se préparent les crimes les plus abominables. On y élabore les armes de destruction massive qui réduiront la planète en cendres comme la grippe « chacha nain-nain », le « chikoungounia », « la ferme célébrités » et ainsi de suite. C'est là l'archétype de « l'idée à la con »  car elle cristallise la sottise ambiante dans une de ces bombes à retardement dignes de la théorie du chaos (car ça va péter quelque part mais on ne sait pas où ni pourquoi !)
      - On pourrait construire autre chose, ou même rien du tout, mais ça, c'est du déjà vu et du déjà fait et ça ne passionne plus personne depuis longtemps. Le but de l'opération est quand même de mettre le monde de la presse et de la communication en effervescence.
  • Construire où ? Bon, on ne sait pas ce qu'on va construire exactement mais on sait déjà que ça va être musulman ou islamique. Avantages multiples : les gens ont une fâcheuse tendance à mélanger les notions et concepts suivants : musulman, islam, islamique, islamiste, fondamentaliste, terroriste. Non seulement ils les mélangent et les confondent mais en plus ils ne les connaissent pas et avouent ne pas vouloir les reconnaître ni savoir les identifier. L'être humain, quand il ne sait pas, plutôt que chercher, préfère inventer et dire n'importe quoi. Mais revenons à nos moutons : où sera-t-il, ce repère de soi-disant « bandits sanguinaires » ?
      - Les possibilités sont assez réduites en vérité : par rapport aux deux tours, il y a à côté, en face, pas loin, pile au-dessus, juste en dessous ou carrément ailleurs.
      - On élimine le carrément ailleurs car peu propice à l'émeute spontanée. On fera de même avec en-dessous, car quitte à faire quelque chose de scandaleux, autant que ça se remarque, et de loin. Il ne reste plus que sur les ruines même des deux tours.
  • Conclusion, le jury du concours sélectionne l'idée suivante : « nous allons construire une mosquée pile sur les ruines du World Trade Center pour que Ben Laden puisse y prêcher librement la croisade contre le monde entier ». En plus, comme ce monsieur a été fabriqué par les services secrets américains, il sera comme chez lui. Même si, au final, on ne fait rien de tout cela, l'idée aura été lancée. Elle aura parcouru la planète, échauffé les esprits jusqu'aux derniers recoins du monde connu et au-delà et aura déclenché des démonstrations de haine qui feront de belles photos dans les magazines people parce qu'une star éphémère aura rencontré de fâcheuses déconvenues en y faisant quelques emplettes au sortir de son luxueux palace estival.
  • Autre idée retenue pour la grande finale, aussi ingénieuse que la première mais tellement plus simple et efficace : on ne bâtit rien de spécial, pas besoin d'un endroit particulier, même symbolique. « Nous allons organiser un autodafé avec des Corans ». Avantage assuré car le seul fait d'en parler et de donner un rendez-vous même s'il est dans un calendrier obscur, déclenchera immédiatement et dans des endroits multiples, variés et politiquement instables des manifestations d'antipathie très photogéniques.
    Petite remarque : pour organiser une flambée aussi festive, il faut quelques exemplaires du livre concerné. Les américains n'ont pas, je présume, de Coran dans leur bibliothèque : des Bibles, oui (texte tout aussi sulfureux que l'autre, si on y regarde de plus près). Les Corans, il faudra donc se les procurer, les acheter et donc financer le terrorisme international...
Pendant ce temps-là, en France, nos hiérarques gouvernementaux sont vexés de ne pas faire la une des gazettes. On croyait avoir trouvé la solution bling-bling avec Carla et Nicolas mais il a fallu que les amerloques mette Barak Obama à la Maison Blanche. D'où la botte secrète (qui n'a plus de secret) : la sécurité. Dans notre beau pays, parmi les plus gros producteurs européens de chômage, de précarité et de suicides par harcèlement, tout tourne autour de la sécurité. Comme le disait Christophe Alévèque : « Quand les gens ont peur, on en fait ce qu'on veut ! »
Imaginons donc un conseil des ministres.
« Nous aussi, on pourrait avoir des terroristes qui démolirait des choses ! On a essayé avec AZF, ça a failli marcher. On a continué avec les radars automatiques, ça a fini par porter ses fruits : records de tués sur les routes l'année dernière et en plus ça rapporte de l'argent dans les caisses de l'État. Si ça c'est pas du terrorisme, qu'est-ce que c'est ? »
« Euh, la République, Monsieur le Président ! »
« On va continuer avec la loi Hadopi : on va faire en sorte que les Français aient tous Internet, on va leur dire qu'il est vilain de télécharger des films et de la musique, ils le feront quand même car ils sont Français. Les grands éditeurs se mettront des tas de « neuros » dans la poche en pleurnichant : ils diront que ce sont les artistes qu'on vole en téléchargeant illégalement. Les artistes en question ne toucheront pas plus qu'avant, même, on en virera deux ou trois des catalogues en prétextant qu'ils ne rapportent pas assez. On fait voter la stupide loi en question, en fin de soirée, on menace les Français, car c'est ce qu'on sait faire de mieux (avec réprimer) puis sans prévenir, on leur coupe leur connexion. On trouvera bien une ou deux mamies qui se seront fait pirater leur liaison WiFi, on les condamnera pour avoir téléchargé le dernier navet à la mode. Rien ne changera, les Français téléchargeront encore et toujours mais on s'en fichera puisque ça nous rapportera ».
« Le WiFi, ça c'est l'avenir : les mamies ne savent même pas que ça existe et c'est pour ça qu'elle seront condamnées ».
« En fait, ce qu'il nous faudrait, c'est deux tours ».
« Mais où voulez-vous qu'on trouve ça ? »
« Facile, Monsieur le Président : aux prochaines élections de 2012. Vous prétextez un risque d'attentat contre les deux tours des prochaines présidentielles. Vous les annulez, vous rétablissez l'Empire (tout le monde évoque déjà cette possibilité sur Internet) et vous montez sur le trône. Par la même occasion, vous coupez l'herbe sous le pied à la « Royauté Républicaine Française » que vous avez essayé de discréditer en accusant son fondateur de vouloir se faire sacrer Président de la République à Reims mais qui a grimpé dans les sondages au lieu d'épouvanter les français ».
« Excellent ! Les mécontents n'auront qu'à s'exiler en Belgique. Elle s'est coupée en deux : vous y répartissez vos mécontents, ils trouveront bien un motif, là-bas, de se battre les uns contre les autres, plutôt qu'ici et contre vous. Les dernières poches de résistance, vous les amadouez avec des Légions d'honneur, des ministères ou vous les exilez et là, enfin, vous pourrez expédier le dossier des retraites comme bon vous semblera ».
« Plaît-il ? »
« Votre Majesté pourra expédier le dossier des retraites là où il lui plaira ».
Elle était belle la République sous l'Empire...

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