mardi 12 octobre 2010

Faut-il craindre de donner la parole au peuple?

Oui, car cela fait plus de deux siècles que les politiques prétendent qu'il a la parole alors qu'en réalité, il n'en est rien. Il faut tout de même rappeler que pour beaucoup de nos dirigeants (passés et présents) avoir la parole, c'est voter et uniquement voter. Après, s'il veut vraiment parler, il peut toujours défiler dans les rues, déclencher des événements comme ceux de mai 68 ou brûler des pneus devant les préfectures, mais les gouvernements, toutes tendances confondues, ne sont pas forcées d'y prêter une oreille attentive. Il y a même eu des cas, à Rouen par exemple, où des grévistes ont obtenu entière satisfaction, ont pu signer des accords en grande pompe et retourner au travail sans qu'aucune suite ne soit donnée. Les fameux accords n'ont jamais été appliqués. Donc, avec un passé de ce type, donner la parole au peuple va être un prétexte à un joyeux désordre, une belle cacophonie.
Non, il ne faut pas craindre de donner la parole au peuple, pour les raisons évoquées ci-dessus. En effet, comme depuis deux siècles, il est habitué à entendre qu'il s'exprime par le truchement des élections et des référendums, qu'il est bien conditionné pour le croire, il va se demander ce qu'il peut faire de plus. Il est même possible que certains citoyens se demandent ce que cela cache. Et lorsque les structures se mettront en place (car pareille chose finira bien par arriver!) il est plus que probable que les citoyens amenés à donner leur avis sur les projets qu'on leur soumettra se demanderont pourquoi.
Oui, il faut craindre de donner la parole au peuple : il faut même craindre le pire. L'exemple qui fait office de référence absolue est la Révolution Française. Après avoir été muselé par l'aristocratie, l'église, la bourgeoisie et la petite noblesse des parlements, le peuple a fini par prendre la parole, un peu à tort et à travers (Normal, c'était nouveau! Révolutionnaire, même!) et bousillé la belle machine qu'était le changement. C'est un résumé digne de manuel scolaire, un conglomérat de raccourcis et d'idées reçues mais qui fait, hélas, partie de l'inconscient collectif. Des imbéciles iront jusqu'à prétendre, avant même d'essayer, que le peuple, lorsqu'il sera amené à s'exprimer, dira toutes les sottises possibles et imaginables. Ils en diront, certes, mais ni plus ni moins qu'à l'Assemblée Nationale, le Sénat, les comices agricoles d'une bourgade perdue dans la campagne de France ou n'importe quel PMU.
Non, ne craignons rien. Le peuple n'est pas à ce point terrifiant. Il est vrai que les actualités, les journaux de vingt heures de toutes les chaînes de télévision, les premières pages des quotidiens, les magazines et autres hebdomadaires nous ont habitué à voir des gens s'exprimer, parfois en braillant, déversant des tonnes de fumier, de choux, de betteraves, de patates ou de fraises, généralement quand personne ne leur demandait leur opinion ou, mieux, quand le gouvernement les priait de la boucler. Le fait que brusquement, comme ça, du jour au lendemain, s'établisse un dialogue intelligent et constructif, mu par une volonté réciproque de parvenir à un résultat concret et admis de tous, va couper le sifflet à plus d'un. Les français qui paraissent n'être bavards que lorsqu'il faut se taire, ne sauront plus quoi dire ni par où commencer.
Oui, donner la parole au peuple c'est s'exposer aux plus terribles exactions. Les masses, c'est bien connu, sont manipulées par les partis de gauche et d'extrême gauche et par les syndicats de terroristes inféodés à ces partis. Elles sont peuplées de dangereux criminels rouges, anarchistes, bolcheviques, communistes et Dieu seul sait quoi encore. Ces bandits voudront tout nationaliser, tout mettre en commun, spolier les riches de leurs fortunes; ils vont licencier tous les cadres, PDG et autres managers issus des grandes écoles pour prendre leurs places et tout gérer par eux mêmes. Ils mettront les villes à feu et à sang, élimineront les espaces publicitaires des programmes télé, réintégreront la Poste dans le giron de l'État, aboliront la mode, exileront les personnalités qui font la une des tabloïds et obligeront toute la population à porter un même costume gris souris comme en Chine du temps de Mao. Des sots, toutes les circonstances en génèrent de façon spontanée et incongrue, iront même jusqu'à regretter que les trône ne fût pas dévolu à l'altesse royale espagnole dont on n'est pas pas fichu de se souvenir du nom complet. Si les français étaient à ce point gauchistes, Monsieur Sarkozy n'aurait pas été élu en 2007, Monsieur Le Pen n'aurait jamais atteint le second tour des élections présidentielles en 2002, et les deux cohabitations (gauche droite et droite gauche) n'auraient jamais existé. Les scores de ces partis dits gauchistes seraient peut-être meilleurs que ce qu'ils sont. « Les français ont le cœur à gauche mais le porte-monnaie à droite »
Non, donner la parole au peuple ne causera pas les désastres cités ci-dessus pour une bonne et simple raison que sa parole sera encadrée par des limites, certes très large, qui seront amenées à évoluer mais de façon progressive. Il ne s'agit pas de lui transférer la totalité du pouvoir, autrement dit de lui confier à la fois l'exécutif et le législatif, mais d'en faire un collaborateur du représentant qu'il a élu. Le représentant conserve la prérogative liée à son mandat: il va siéger (comme député, maire, conseiller général et ainsi de suite) et représente les citoyens qui l'ont élu. Les citoyens et les électeurs feront part de leurs observations, amendements et critiques. Je fais une différence entre électeurs, qui doivent avoir 18 ans révolus pour voter, et les citoyens, qui ne sont pas astreint à un âge minimum (« la valeur n'attend pas le nombre des années. » Pierre Corneille, le Cid). Il s'agit d'un contrat, manifestation d'une confiance réciproque.
Oui, lors des premières réunions publiques, dans les mairies, puisque c'est là que je souhaite instaurer les bases de la démocratie avec participation (variante de la démocratie directe) des éléments isolés, manipulés par des partis (de gauche et de droite), des cons (je ne vois pas d'autres mots) investis de quelques missions de sape, et des adversaires du principe (je ne dis pas « adversaires du peuple », ou « ennemis du peuple » à cause des références historiques auxquelles on pourrait rapporter ces expressions) essaieront de discréditer ces premières expériences. Si le peuple doit avoir la parole, c'est tout le peuple: les pour et les contre, les enthousiastes et les réfractaires, les progressistes et les rétrogrades, les intelligents et les sots. Ce ne seront que des vieilles habitudes typiquement françaises (le goût pour le conflit, la tentation de ne rien écouter, la crainte de ne pas être entendu, des relents de syndicalisme obtus...) qui seront immanquablement amenées à disparaître après quelques mois. J'ai parlé de confiance réciproque, ce n'est pas un vain mot.
Non, une politique populaire n'est pas uniquement une politique qui plaît au peuple: c'est également, et avant tout, une politique menée par un gouvernement, avec l'appui conjoint d'un parlement et des citoyens responsables, responsabilisés et directement impliqués dans la vie et la gestion de l'état. Les plans d'austérité peuvent faire l'unanimité si l'ensemble des citoyens y a trouvé une justification. Pour cela, il faut que le peuple connaisse les éléments (tous les éléments) du dossier, qu'il les ait analysé et discuté avec son semblable, son voisin son maire et son député, et qu'il ait apporté sa pierre à l'édifice. En associant le peuple à toutes les décisions, n'importe quel projet sera voté pourvu qu'il respecte le bien commun.
Oui, donner la parole au peuple, ouvrir un dialogue permanent basé sur la confiance et la bonne intelligence, est la seule possibilité pour établir les bases de la véritable république démocratique et sociale dont il est question dans le texte de la Constitution de la Cinquième République. Les grèves, manifestations, défilés revendicatifs et autres mouvements du même type qui paralysent le pays et font perdre du temps, des emplois et de l'argent à tous (entreprises et citoyens) pourront ainsi laisser place à des structures dont l'objectif sera établi en commun. Encore faut-il que les candidats à la prochaine élection présidentielle en soient conscients. Les expérimentations timides qui n'ont d'autre but qu'endormir les électeurs ne suffiront pas : il faut passer tout de suite au cœur du sujet et mettre en place ces structures démocratiques. Donc, comme candidat potentiel à l'élection de 2012, si je n'ai pas de programme politique et économique à proposer aux français (ce qui n'est de toute façon pas le rôle du Président de la République) je me suis fixé un but que je ne pourrai atteindre qu'avec eux : la République « du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

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