vendredi 16 septembre 2011

Le pouvoir citoyen (2)

Deuxième partie.
« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » (Montesquieu, De l'esprit des lois)
« On ne rencontre guère, pour se déclarer satistaits du pouvoir, que ceux qui y participent. » (Maurice Druon, le Pouvoir)
« La république... la corruption sans doute y paraît plus grande que dans les monarchies. Cela tient au nombre et à la diversité des gens qui sont portés au pouvoir. » (Anatole France, l'Orme du mail)
« Seul est digne de son pouvoir celui qui le justifie jour après jour. » (Dag Hammarskjöld, homme politique suédois né en 1905 et décédé en 1961)
« J'ai peur que nous ne devions rendre le monde honnête avant de pouvoir dire honnêtement à nos enfants que l'honnêteté est la meilleure politique. » (George Bernard Shaw, le disciple du diable)
B. Agir dès maintenant.
A la veille des élections présidentielles de 2012, il va être important d'écouter le discours des différents candidats pour ne pas se laisser berner par leur chant des sirènes. Ils vont essayer de prouver qu'ils sont les meilleurs et que leur vision de l'avenir est la plus sûre. Ce sera à l'électeur de faire le tri dans les informations qui ont déjà commencé à se déverser par tous les moyens modernes de communication : la publicité, la presse, les passages dans les journaux télévisés et les spectacles à l'américaine (pour ceux d'entre eux qui auront les moyens financiers). Les principaux thèmes des campagnes ont déjà été trouvés : il reste à connaître la place que le citoyen y occupera. Avec ce que j'ai dit en introduction, je pense que beaucoup d'électeurs voudront savoir s'ils vont continuer à payer indéfiniment pour toutes les bourdes économiques des gouvernements. C'est vrai qu'il y a largement de quoi être inquiet : la Grèce est au bord de la faillite, à supposer qu'elle n'y soit pas déjà depuis longtemps, l'Espagne, le Portugal suivent, la France est soumise aux caprices d'une agence de notation dont les critères sont tout sauf économiques et le reste de l'Europe attend patiemment au bord du gouffre. Avoir construit l'Europe pour en arriver là, c'est assez burlesque (et il n'y a pas franchement de quoi se réjouir). Pendant ce temps, les pays émergents, comme on les appelle désormais, n'en finissent pas d'émerger : l'Inde ou la Chine, pour n'en citer que deux.
Le temps de l'hésitation est révolu ; celui où on pouvait se permettre de faire comme si de rien n'était également. Les vrais débats doivent être abordés dès maintenant si on ne veut pas voir poindre de révolution : la situation actuelle, sur bien des points, ressemble à celle précédant les événements de 1789.
  1. Crise institutionnelle.
    En 1789 : la monarchie absolue vit ses derniers instants. La bourgeoisie et le noblesse veulent une monarchie parlementaire où elles puissent partager le pouvoir avec le roi. Les parlements, en vertu de leurs droits de remontrance, peuvent refuser d’enregistrer les édits royaux ; car Louis XVI, à son avènement avait annulé la réforme de Maupeou, leur restituant tous leurs pouvoirs traditionnels.
    Aujourd'hui : Le président Sarkozy dirige la politique du gouvernement en personne. Le parlement UMP n'est plus qu'une chambre d'enregistrement (il n'y a qu'à se souvenir de la réforme des retraites, toujours elle). Les institutions telles qu'elles sont conçues actuellement assurent l'hégémonie d'un parti politique sur la France avec une garantie quinquennale (puisque la possibilité de cohabitation a été réduite à néant).
  2. Crise morale.
    En 1789 : De nombreux scandales éclaboussent la cour et la reine (par exemple l'affaire du collier de la reine), discréditant un peu plus le régime. Marie-Antoinette incarne aux yeux du peuple la noblesse de cour parasite, égoïste et rapace. La simplicité bourgeoise du roi, qui fait contraste, la rend plus haïssable. Mais elle ne vaut pas à celui-ci une véritable sympathie car on méprise le mari trompé et incapable de faire obéir sa femme. Louis XVI, par son manque de prestance et son désir de mener une vie simple, a enlevé à la personnalité du roi cette majesté qui commande au respect et qui persuade vraiment le peuple que le souverain est le représentant de Dieu sur la terre. Il ne devient plus, aux yeux de la multitude, qu’un homme ordinaire. La monarchie perd alors son caractère sacré et se prive du « droit divin » qui lui donnait sa légitimité.
    Aujourd'hui : Des scandales d'un autre ordre meublent les actualités. Entre les diverses affaires liées à la famille Bettencourt, les emplois fictifs multiples et le procès de Jacques Chirac dont on ne sait pas encore s'il débouchera sur quelque chose, sans parler des écoutes et autres espionnages, des fuites contrôlées ou non et ainsi de suite, il ne reste plus beaucoup de place pour une honnêteté et une intégrité qui devraient naturellement s'imposer. La monarchie absolue a fini par laisser la place à une république de voyous.
  3. Crise religieuse.
    En 1789 : contestation du pouvoir des autorités catholiques par les jansénistes et les franc-maçons. Décalage entre haut clergé (proche des autorités) et bas clergé (au contact du peuple). A noter que cette crise religieuse a déclenché quelques uns des événements suivants : la confiscation et la vente des biens de l'Eglise, le serment constitutionnel et les tentatives de déchristianisation des années 1793 et 1794 (dont la profanation des tombeaux des rois de France à Saint-Denis mais aussi destructions sur tout le territoire).
    Aujourd'hui : Si la crise n'est pas spécifiquement religieuse, sous couvert de la laïcité, beaucoup de sottises sont proférées. Ce concept, issu de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905, est souvent interprété de façon plurielle et invoquée pour contrer la montée de religions non chrétiennes (voire non catholiques). C'est ainsi que des débats autour d'un Islam de France par des politiques qui veulent simplement le combattre, l'identité nationale pour savoir qui est français et qui ne l'est pas, ou d'autres sujets de discorde ont failli semer la pagaille dans les esprits et déclencher des réactions incontrôlables.
  4. Crise sociale.
    En 1789 : le système social est hérité du système féodal. La société est hiérarchisée en trois ordres. La noblesse et le clergé d'un côté qui possèdent des privilèges honorifiques, et le tiers-état qui représente la très large majorité de la population.
    La noblesse n’a d’autre source de revenus que l’exploitation de ses propriétés, les droits seigneuriaux, le grand commerce maritime et le service du roi à la cour, à l’armée ou dans les hautes charges de l’État. Ainsi s’explique l’âpreté avec laquelle les nobles se disputaient les moindres faveurs du roi et défendaient leurs privilèges financiers. Ils ont des privilèges fiscaux (pas d’impôts directs), honorifiques (épée, chapeau, premier rang dans les cérémonies) et judiciaires (propres tribunaux). Il y a des privilèges pour un service rendu, mais la noblesse oublie le service et garde le privilège.
    Aujourd'hui : une séparation de fait existe entre la France d'en haut (hauts fonctionnaires, banquiers, financiers et grands industriels, grande bourgeoisie et gros propriétaires terriens) et la France d'en bas (ouvriers, paysans, agents de l'Etat - fonctionnaires ou contractuels précaires - ,chômeurs et RMIstes). Tandis que les uns touchent des parachutes dorés pharaoniques et perçoivent des salaires vertigineux, les autres doivent se contenter des miettes quand ils ne se retrouvent tout simplement pas au chômage pour des raisons plus ou moins justifiées de crise économique ou de faux krach boursiers (téléguidés par les banques?)
  5. Crise financière.
    En 1789 : La France se trouve devant un déficit budgétaire dû à son intervention dans la Guerre d'indépendance des États-Unis. Aussi, les dépenses jugées superflues, comme celles de la cour, sont-elles particulièrement impopulaires. Les impôts, tout en pesant lourdement sur les contribuables, sont inégalement répartis et mal perçus pour pouvoir remonter les finances.
    Aujourd'hui : Le texte pourrait être exactement le même que celui du paragraphe précédent, seuls les exemples changeraient.
  6. Crise économique.
    En 1789 : La crise financière inquiète les créditeurs de l’État qui désespèrent de se faire rembourser. Les attentes politiques sont de plus en plus vives. La crise économique développe la peur de la famine, surtout pendant la soudure, au printemps 1789. Le contexte est marqué par une angoisse populaire. La crise sociale entraîne des tensions de plus en plus fortes entre les différents ordres. Quelques révoltes éclatent : Avril 1789 : Faubourg Saint-Antoine, pillage de la fabrique de papier peint.
    Ne pouvant emprunter d’avantage pour faire face au remboursement de la dette, les ministres de Louis XVI tentent de réformer le système fiscal. En effet, on ne peut indéfiniment augmenter les impôts existants qui ne frappent que les plus pauvres, donc l’unique remède serait d’en faire porter le poids sur tous. Mais toutes les tentatives de réforme se heurtent à l’opposition des deux premiers ordres du royaume, que leurs privilèges dispensent d’impôts directs. Les difficultés financières françaises étaient insolubles et la monarchie française en est morte.
    Aujourd'hui : Rien n'a changé depuis la révolution. Il suffirait de changer les dates et le nom des personnalités pour constater que les situations sont similaires.
Pour remédier à cette situation et sortir du cercle, des solutions sont possibles. Certaines sont même sérieusement envisagées.
  • La première de toute ne réglera pas les problèmes : voter UMP, c'est à dire remettre le couvert avec un second mandat de son altesse électorale Nicolas Sarkozy. La mobilisation dans les rangs de droite voudrait nous faire croire qu'il y a de l'espoir de ce côté là alors qu'il suffit de faire le bilan de ces dernières années pour se rendre compte que la démocratie n'a pas franchement avancé : elle aurait même reculé. Il est quand même étonnant de voir que les projets de société apparaissent avec les échéances électorales et disparaissent avec une égale rapidité au lendemain des résultats.
  • Une autre solution consiste à se délecter des primaires socialistes. Il suffit de voir les ténors du parti se mettre en valeur et rivaliser d'ingéniosité pour attirer sur eux la couverture médiatique, pour être aussitôt frappé de lassitude. Celui qui a dit qu'il y avait autant de tendance que de socialiste avait raison. Qui choisir, pour ces primaires ? François Hollande dont Laurent Gérat disait qu'il « avait le charisme d'un beignet » ? Martine Aubry ou Ségolène Royale, comme le disait Marc Jolivet « Mémère ou fofolle » ? A moins de se ranger derrière un des nouveaux concurrents de ces primaires, un jeune loup aux dents longues, si longues qu'elles rayeraient le parquet ?
  • La solution miracle qui semblait faire, un temps, l'unanimité a coulé comme le Titanic, pourtant réputé insubmersible : le satyre, l'amateur de fesses, le coureur de jupon, j'ai nommé DSK. La question qu'il conviendrait de se poser est la suivante : DSK avait les faveurs des électeurs de gauche aussi bien que ceux de droite, ce qui n'était pas courant. Mieux, il semblait auréolé de la gloire des hommes providentiels. Mais quelqu'un avait-il une idée de son programme?Sur quoi espérait-il donc fédérer les électeurs ? Mystère ! Ceci dit, il peut toujours en parler vu qu'il est revenu parmi nous.
  • Cent-cinquante ans après l'établissement apparemment définitif et irréversible de la république, des mouvements royalistes (qui préconisent le retour sur le trône soit du prince Jean d'Orléans soit de Monseigneur Louis XX, ci-devant duc d'Anjou et de Cadix) continuent de croire qu'un roi de France résoudrait d'un coup de baguette magique tous les problèmes. De nombreux (très nombreux) sites internet semblent acquis à cette cause. Il y aurait même un candidat officiellement et ouvertement royaliste pour les prochaines élections présidentielles.
    Si quelques unes des idées professées par ces mouvements sont effectivement susceptibles de faire évoluer les institutions et la société en général, d'autres, en revanche, peuvent épouvanter (lorsqu'elles se confondent avec certaines idéologies totalitaires, conservatrices, catholiques, rétrogrades ou maurassiennes qui considèrent le peuple - les citoyens - comme un ramassis d'incapables et d'ignares) Pour nombre de ces royalistes, remettre le roi sur son trône est une finalité. Leur erreur est d'oublier la Nation.
  • La vague bleu marine se veut une alternative à la politique menée jusqu'à présent par la droite et la gauche. Une alternative qui a une composition fort étrange faite des vieilles angoisses des français, le tout teinté d'un nationalisme basique contenu dans la « préférence nationale ». On est quand même très loin des problèmes quotidiens du citoyens. Pour ce qui est des solutions, il faudra repasser.
  • François Bayroux a pour principale particularité d'être passionnant et de mettre le doigt sur les vrais dysfonctionnements des institutions. Il a, à de nombreuses reprises, évoqué des solutions où le citoyen avait un rôle à jouer. L'inconvénient majeur est qu'il sait faire la bourde qui flanque tout par terre. Les centristes voudraient être la troisième force avec laquelle il faudrait compter mais ils se cherchent toujours.
  • L'idée d'une démocratie participative se faufile de temps à autre dans les débats, notamment à gauche. Ceci n'empêche pas Dominique de Villepin de reconnaître que désormais, les français savent que ce sont eux qui paient la facture et qu'on ne peut plus faire comme s'ils n'existaient pas. Le citoyen est invité, de temps à autre, à participer à des débats. On le consulte, avec des pincettes et grande timidité mais cela ne va pas toujours bien loin.
  • La solution que je propose, au nom du Mouvement RRF, est un aménagement des institutions pour la mise en place d'une « démocratie avec implication du citoyen ». J'ai développé le principe de la « permanence du Comité de Citoyens » qui prévoit l'intervention constante et à tous les niveaux des citoyens, ainsi que la définition d'un partenariat entre les électeurs et leurs élus.
  • La nouvelle démocratie, qu'elle soit participative ou avec implication du citoyen, propose de redéfinir l'exercice de la souveraineté de la Nation : soit par un équilibre soit par un partage des pouvoirs. Il est possible de résumer les deux facettes de cette démocratie par les deux expressions suivantes : « le pouvoir au peuple » ou « le pouvoir citoyen ».
La nouvelle démocratie ne pourra se faire sans un citoyen responsable et conscient de son rôle. Le problème est qu'il est conditionné pour croire que toute action est vaine et inutile.

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