dimanche 18 mars 2012

Qui parraine qui? (5ème partie)

Présidentielle : les maires ne jouent pas aux parrains
PAYS CHAUNOIS - Les candidats à la présidentielle ont jusqu’au 16 mars pour recueillir leurs 500 parrainages. Très sollicités, les maires se montrent réservés. Explications.
Donner sa signature à un candidat, ce n'est pas si simple que ça pour les maires des communes rurales en particulier. Ils sont d'ailleurs majoritaires à ne pas répondre aux sollicitations dont ils font l'objet depuis plusieurs semaines.
Si certains avancent tout simplement un choix personnel, d'autres préfèrent rester neutres pour ne pas avoir de souci. « On ne sait pas comment notre prise de position pourrait être perçue par nos administrés », résume Michel Lacaze, le maire de Villequier-Aumont. En dehors de cette crainte, il y a aussi la peur de représailles financières. « Au moment de demander des subventions au conseil général ou au conseil régional, des maires ont eu droit à des réflexions du style "vous n'avez qu'à demander au candidat que vous avez parrainé". Ce n'est pas un fantasme, c'est une réalité », affirme René Pâris, maire d'Abbécourt.
« Il faudrait l'anonymat »
Le fond du problème se situe au niveau de la publication au Journal officiel des parrainages. « Il faudrait préserver l'anonymat », lancent plusieurs élus. Nul doute que dans ces conditions, les « petits » candidats rencontreraient moins de difficultés. À écouter les maires, on sent bien que ce système les gêne. « C'est archaïque voire antidémocratique », exprime par exemple Jean-Marie Chombart, le maire de La Neuville-en-Beine.
D'autres, sans forcément partager les idées du Front national (FN), redoutent la non-participation de Marine Le Pen « alors qu'elle est créditée dans les sondages de 15 à 20 % des intentions de vote ». Pour beaucoup, « la démocratie serait alors bafouée ».
Pour les conseillers généraux, les conseillers régionaux et le député, la donne est différente puisqu'ils ont été élus sous une étiquette politique ; ils n'ont donc pas de scrupules à avoir. Tout l'opposé des maires ruraux, à quelques rares exceptions.
Le conseil constitutionnel saisi
La situation pourrait toutefois évoluer puisque la requête du Front national contestant l'obligation de rendre publics les parrainages d'élus pour concourir à la présidentielle va être transmise au Conseil constitutionnel, a annoncé jeudi le Conseil d'État. Ce dernier a estimé que la question prioritaire de constitutionnalité posée par le parti politique « remplissait les conditions juridiques pour être renvoyée, en vue de son examen, au Conseil constitutionnel ». Les sages doivent statuer avant le 22 février.
CHAUNY / COUCY : DES ELUS MAJORITAIREMENT FRILEUX
Nous avons posé la question suivante à quelques maires des cantons de Chauny et Coucy : « Allez-vous donner votre parrainage ? » Leurs réponses.
  • René Pâris, Abbécourt : « Pour l'instant, je n'ai pas l'intention de donner mon parrainage. C'est un acte difficile pour un maire d'une commune rurale. »
  • André Didier, Amigny-Rouy : « Je l'avais donné à M. Schivardi en 2007 mais cette fois, je ne parrainerai personne. »
  • Francis Garcis, Autreville : « Je ne me suis pas encore décidé mais ça pourrait évoluer. En 2007, je n'avais parrainé aucun candidat. »
  • Marcel Bertholet, Beaumont-en-Beine : « Je vais m'engager en faveur de Philippe Poutou, le candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Je donne toujours en faveur d'un petit ; ce n'est pas une opinion politique. »
  • Philippe Géloën, Béthancourt-en-Vaux : « Comme il y a cinq ans, je ne donnerai pas mon parrainage. Il s'agit d'une décision personnelle. »
  • Michel Deccol, Bichancourt : « Sur le principe, je suis contre ; ça devrait être anonyme. Dans les communes rurales, on est apolitiques ; on y tient. »
  • Patrick Laplace, Blérancourt : « J'ai toujours donné à ma famille politique, c'est-à-dire aux radicaux de gauche. Ils en feront ce qu'ils veulent. »
  • Alain Albaric, Caillouël-Crépigny : « Si je dois signer en faveur de quelqu'un, ce sera pour Nicolas Sarkozy. C'est un choix personnel qui n'engage en rien la commune. »
  • Alain Dubois, Caumont : « Je ne donnerai pas mon parrainage. Nous en avons discuté en conseil municipal et je respecte la décision prise. »
  • Marcel Lalonde, Chauny : « Depuis que je suis maire, je n'ai jamais parrainé qui que ce soit. Comme cela, je suis quelqu'un de libre. »
  • François Cukrowski, Commenchon : « Je ne donne à aucun candidat, c'est la neutralité totale. C'est un choix personnel. »
  • Jean-Claude Dumont, Coucy-le-Château : « J'ai décidé de parrainer, de manière logique, Jean-Luc Mélenchon, du Front de gauche. »
  • Denis Cordier, Folembray : « J'ai dit oui à Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République). La philosophie est de donner à un petit candidat sauf le FN. »
  • Alain Dumont, maire de Fresnes-sous-Coucy : « Je vais parrainer Jacques Cheminade, candidat de Solidarité et progrès. Il dit des choses intéressantes. »
  • Nadine Podevin, Guivry : « J'ai choisi de parrainer Nathalie Arthaud, la candidate de Lutte ouvrière. Je devrais signer les papiers prochainement. »
  • Christian Rocher, Marest-Dampcourt : « Je suis sans étiquette donc je resterai sans étiquette. Et comme au sein de mon conseil, il y a des gens de tous bords…»
  • Jean-Marie Chombart, La Neuville-en-Beine : « Comme je suis ni à vendre ni à acheter, je n'ai pas l'intention de signer en faveur de quelqu'un. »
  • Éric Ficheux, Ognes : « Je pense que je vais me prononcer pour Philippe Poutou, le candidat de NPA. »
  • Bernard Pezet, Sinceny : « Même si j'ai mes idées, je n'ai pas d'étiquette politique. Et l'équipe municipale non plus. Donc, je ne répondrai à aucun candidat. »
  • Thierry Lemoine, Trosly-Loire : « Je n'ai jamais donné ma signature ; je ne vais pas commencer cette année. Sur le principe, je suis contre la publication au Journal officiel. »
  • Sylvie Lelong, Ugny-le-Gay : « Comme beaucoup de maires, j'ai reçu beaucoup de sollicitations, mais je ne donne pas suite. »
  • Michel Lacaze, Villequier-Aumont : « Je n'ai jamais parrainé un candidat, car je ne veux pas que l'image de Villequier-Aumont soit associée à untel. »
  • Jean Farez, Viry-Noureuil : « Ici, la tradition veut qu'on ne se prononce pour personne ; je ne vais donc pas commencer. J'ai été élu sur une liste apolitique… »
  • Jean-Luc Lanouilh, conseiller général canton de Chauny : « Mon choix s'est naturellement porté sur Mélenchon, le candidat du Front de gauche. »
TERGNIER / LA FERE : PEU DE SIGNATURES
  • Bernard Lemire, Anguilcourt-le-Sart : « J'ai été sollicité par trois partis, mais je ne donne aucun parrainage. Je ne fais pas de politique dans la commune. »
  • Jacky Vasseur, Beautor : « Je ne donne ma signature à personne. Même s'il peut apparaître injuste pour certains candidats de ne pas recueillir toutes les signatures nécessaires. »
  • Bruno Cocu, Charmes : « Quatre partis politiques m'ont contacté mais je ne parraine personne. Lors des dernières élections municipales, je me suis présenté sans étiquette. Je suis apolitique. »
  • André Bonnave, Condren : « Depuis que je suis maire, je m'en tiens à une ligne de conduite : je ne parraine personne. Au conseil municipal, plusieurs tendances sont représentées… »
  • Gilbert Pottier, Danizy : « Hier matin, j'ai encore été sollicité. J'ai des idées bien arrêtées et je ne donne jamais mon parrainage. Les partis n'ont pas besoin de ma signature. »
  • Charles-Edouard Law de Lauriston, Frières-Faillouël : « Pour l'instant, je ne parraine personne, j'ai une position consensuelle. Il y a des bonnes idées et visions à droite et à gauche. Le clivage est contre-productif. Mais je pourrais donner un parrainage à un démocrate. »
  • Raymond Deneuville, La Fère : « Je ne donnerai pas mon parrainage. Le système actuel n'est pas bon. Marine Le Pen, soi-disant, aurait des problèmes à avoir ses 500 signatures, alors qu'elle ne représente pas loin de 20 % des intentions de vote. Si elle n'était pas au premier tour, cela serait scandaleux. »
  • Guy Paquin, Saint-Gobain : « Quasiment tous les partis m'ont sollicité, mais je donnerai ma signature à François Hollande. Je parraine à chaque élection, par conviction politique. Il faut avoir le courage de ses opinions. »
  • Christian Crohem, Tergnier : « Je donnerai probablement mon parrainage mais je ne me suis pas encore décidé. »
  • Michel Carreau, conseiller général Tergnier : « Je donnerais ma signature à Jean-Luc Mélenchon. Je m'occupe d'ailleurs de collecter les parrainages, chargé par l'association nationale des élus communistes et républicains. »
  • Bernard Bronchain, conseiller régional : « Pour l'instant, je n'ai pas encore reçu les papiers officiels. Je réfléchis encore sur ma décision de parrainer ou non. Les candidats ont de toute façon les soutiens nécessaires. »
Les candidats à la présidentielle à l'assaut des clochers audois.
Le Conseil constitutionnel a rejeté, hier, la demande du Front national relative à l'anonymat des signatures de parrainage à la Présidentielle. Une décision qui laisse donc ouvert le débat sur le sujet. Dans l'Aude, de plus en plus de maires de petites communes font "la grève des parrainages", selon les termes du secrétaire départemental du FN, Robert Morio. Gérard Fabre, maire de la petite commune de Mérial (20 habitants) dans le Pays de Sault témoigne. "J'ai pris mes responsabilités déjà en 2007 en parrainant Le Pen. Ce n'est pas un vote. On détourne le sens du parrainage. Je permets simplement une candidature."
Une nuance que n'ont pas appréciée certains élus locaux en 2007. "J'ai eu des pressions du Département. Les dossiers de subventions prenaient du retard. On a voulu en supprimer d'autres."
Même constat du maire d'Aragon (455 habitants), Bernard Bru qui prendra une décision collégiale avec son conseil. "Je regrette que le maire soit de plus en plus sous la pression des élus, mais aussi des citoyens."
Pression des conseils
La marge de manoeuvre des élus locaux semble se réduire et pas seulement à cause des intercommunalités et du chantage aux subventions. La pression vient parfois de l'intérieur. Jean-François Daraud, responsable départemental du Nouveau centre, rapporte le témoignage d'un maire qui avait donné son parrainage à Madelin en 1995. "Il était prêt à signer pour Morin, mais il a eu pas mal de problèmes au sein de son conseil en 95. Il ne voulait pas revivre ça."
Depuis des mois, les boîtes mails et boîtes postales des petites mairies de l'Aude sont submergées par les demandes comme à Fontiers-Cabardès. Et notamment par de petits candidats, parfois insolites, comme Renaud Camus, du Parti de l'Innocence, ou François Pasquier, de la Monarchie parlementaire.
Mais les élus reçoivent aussi la visite de représentants de candidats comme ceux de Lutte ouvrière. "On a rendu visite à au moins 150 maires, confie Dominique Galonnier. On essaye de faire appel à leur sens civique, mais ça les gêne, car le parrainage est public."
Villeneuvois : Ces maires qui ne sont pas prêts à brader leur parrainage
  • Benjamin Dumortier (Cysoing). « Je suis un peu sceptique sur les difficultés rencontrées par Marine Le Pen. En tout cas, moi je ne lui donnerai jamais ma signature, ses idées ne correspondent pas du tout à mes convictions intimes. Si elle n'est pas présente au premier tour, on peut craindre les réactions de ses électeurs : ils voteront blanc, pourraient descendre dans la rue. Mais ces risques, on peut les circonscrire en s'attaquant aux causes qui font le succès des idées de rejet et d'exclusion (...) Pléthore de candidats m'ont sollicité pour un parrainage, il y en a un qui est venu me voir, Maxime Verner, le candidat des Jeunes de France. Je n'ai pas donné ma signature, mais n'exclue pas de la donner à un candidat pour lequel je n'aurai pas mauvaise conscience. En 2002, je l'avais donnée à Corine Lepage, pour qu'il y ait un représentant des écolos de droite ; en 2007, je voulais la donner à Jean-Pierre Chevénement. mais il s'est désisté. C'était pour... favoriser l'éparpillement des voix à gauche ! ».
  • Ludovic Rempteaux (Cobrieux). « Ça ne me pose pas de problème que Marine Le Pen n'ait pas tous ses parrainages. Après tout, elle n'est pas la seule dans ce cas et d'autres ont fini par jeter l'éponge très récemment. C'est la règle du jeu. Peut-être faudra-t-il la changer à l'avenir, mais en tout cas, ça me paraît difficile de la faire évoluer en cours de partie, actuellement. Ça me gênerait qu'on fasse une exception pour Marine Le Pen, pas en tant que personne, mais en tant que candidate. Dans ce cas, il faudra le faire pour tout le monde, y compris ceux qui sont crédités de 1 % des voix dans les sondages. Personnellement, je ne lui accorderai pas mon parrainage : je l'ai déjà donné à Frédéric Nihous. C'est un chasseur et je suis moi-même administrateur de la fédération des chasseurs du Nord. Et c'est aussi le seul candidat nordiste à la présidence ! »
  • Michel Dufermont (Camphin-en-Pévèle). « Je pense que tout le monde a le droit de se présenter. Si Marine Le Pen n'a pas ses signatures, il faut se poser la question : pourquoi ? Les thèses qu'elle défend sont-elles compatibles avec un esprit républicain ? Ses propos sont-ils tenables ? Y a-t-il eu des pressions sur des maires ? Personnellement, je n'ai jamais été appelé pour ça. je crois surtout qu'elle crie au loup, comme son père, pour faire le buzz. En ce qui me concerne, je ne donne mon parrainage à personne.
  • Bernard Chocraux (Cappelle-en-Pévèle). « J'ai justement en ce moment des personnes dans mon bureau pour une demande de parrainage, ils auront la même réponse que tous les autres : je ne parraine personne ! Nous sommes une municipalité plurielle, il n'est pas question de privilégier une tendance plus qu'une autre. Entre nous, nous n'abordons pas de sujets de politique intérieure... à part la réforme territoriale parce que nous sommes bien obligés ! Mais pour le reste, nous sommes davantage axés sur la gestion du village. Quant à Marine Le Pen, peut-être faudra-t-il revoir la loi, même si j'imagine bien que le seuil des 500 signatures est avant tout fait pour éviter les candidatures farfelues... »
  • Francis Delrue (Baisieux). « J'ai été beaucoup sollicité, mais je ne donnerai pas ma signature. Je ne l'ai jamais fait depuis que je suis maire. Certes, il y a des candidats qui en ont besoin, mais je trouve qu'ils n'apportent rien au débat. Concernant l'absence possible de Marine Le Pen au second tour, le maire de Baisieux estime qu'il y a des règles et qu'elles sont à respecter. C'est aussi ça, être démocrate... ».
  • Dany Wattebled (Lesquin). « Si Marine Le Pen n'a pas ses signatures, oui c'est un problème, c'est antidémocratique. Il y a une forme de connivence entre l'UMP et le PS, c'est une façon de dire : "on n'en veut pas". Enlever 20 % du corps électoral, c'est très embêtant. Il aurait fallu changer la loi avant l'élection, mais sinon, oui, donner un parrainage à Marine Le Pen au nom de la démocratie, c'est une question qui peut se poser. Mais moi j'ai déjà donné le mien à François Bayrou. »
  • Nicolas Lebas (Faches-Thumesnil). « Marine Le Pen bluffe, j'en suis absolument convaincu. Il y a environ 40 000 élus qui peuvent lui donner un parrainage, ce serait bien le diable si elle n'en trouvait pas 500. Si c'est le cas, elle peut s'interroger. La proposition de François Bayrou est l'illustration de sa grande rigueur et son honnêté intellectuelle. Comme Voltaire, il dit : "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire". C'est admirable, mais cela ne doit pas conduire à tomber dans le jeu de Marine Le Pen.En tout cas, j'exclus complètement de donner mon parrainage à la candidate du Front national. Ce n'est pas du tout mes convictions. En plus, j'ai déjà signé ma promesse pour François Bayrou. Je ne dévie pas de cette posture. C'est la troisième fois que le donne et j'en rendrai compte au conseil municipal avant l'élection. Même si c'est l'un des rares droits intuitu personae, je considère que c'est un devoir d'informer mes collègues et la population. Je serais par exemple favorable à un système de parrainage d'élus mixé avec un parrainage de citoyens. »

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