samedi 17 mars 2012

Qui parraine qui? (4ème partie)

Le maire de Saint-Servais a fait son choix
Comme il l'avait fait pour les deux dernières élections présidentielles, le maire de Saint-Servais (29), près de Landivisiau, Laurent Mazurié, comptait à nouveau tirer au sort, en public, son parrainage. Mais vendredi, le Conseil constitutionnel a averti le maire qu'un parrainage de candidat à la présidentielle décidé après tirage au sort ne serait pas valide.
Hier matin, Laurent Mazurié a glissé son parrainage dans l'enveloppe adressée au Conseilconstitutionnel. A-t-il tiré au sort? Qui a-t-il parrainé? «J'ai fait mon choix et je ne l'ai pas effectué par un tirage au sort en public, comme le stipule le Conseil constitutionnel», veut-il tout juste bienconfier.
On devine cependant que le maire de Saint-Servais a donné son parrainage à «un petit candidat» qui pourrait rencontrer des difficultés à obtenir ses 500 signatures. «Il faut que toutes les sensibilités puissent s'exprimer», explique ainsi Laurent Mazurié, qui reconnaît avoir «écarté les cinq principaux candidats: Sarkozy, Hollande, Bayrou, Le Pen et Melenchon». Par tirage au sort, le maire avait parrainé Christine Boutin, en 2002, et Olivier Besancenot, en 2007.
L'élu finistérien ne pensait pas que son intention de tirer au sort aurait provoqué un tel emballement médiatique. «Mais si cela peut, à présent, être l'occasion de réfléchir pour modifier le système de parrainage. C'est tout de même regrettable que les petites sensibilités ne puissent pas être représentées car elles n'ont pas leurs 500 signatures. C'est dommage que ces candidats consacrent leur temps à rechercher les 500 parrainages. Mais en même temps, il ne faudrait pas, non plus, qu'il y ait 40 ou 50 candidats comme dans certains pays».
Présidentielle : les maires des villages pas très motivés pour les parrainages
Alain Pédegert, maire d'Arnos, est indécis comme bon nombre de ses collègues. © marc zirnheld
C'est hier que les formulaires de parrainages des prétendants à l'élection présidentielle ont été adressés aux édiles, parlementaires, députés européens, conseillers régionaux et présidents de communautés de communes et d'agglos, notamment. Les maires représentent le gros de la troupe, soit 36 000 des 42 000 élus habilités à donner leur signature. Dans les petites bourgades du Béarn, on ne se bouscule pas au portillon !
A Tabaille-Usquain (canton de Sauveterre), le premier magistrat de ce village d'une cinquantaine d'habitants, Germain Sallenave, explique pourquoi il ne donnera sa bénédiction à aucun parti en quête des 500 signatures indispensables pour accéder au scrutin: «Je suis élu depuis 1971. Je n'ai parrainé qu'une seule fois une formation politique. C'était le RPR. J'ignorais que les signatures n'étaient pas protégées par l'anonymat. J'ai décidé de ne plus signer. Pour personne. J'en ai avisé le conseil municipal formé de gens de droite et de gauche. La politique partisane n'a pas sa place dans la gestion d'une petite collectivité. Nous devons travailler tous ensemble, nous rassembler plutôt que nous opposer. De nombreux collègues sur le canton disent la même chose ».
On évite de parler politique
Même son de cloche à Pouliacq (canton de Thèze), la plus petite localité du département qui compte moins de 40 autochtones. L'édile, Pierre Dupouy-Bas, élu depuis 2008 après trois mandats d'adjoint et de conseiller, a décidé lui aussi en son âme et conscience de taper en touche: « Je n'en ai pas parlé à l'assemblée communale. J'ai pris seul ma décision de préserver mon indépendance vis-à-vis des partis traditionnels et des petites formations qui sollicitent les parrainages ». En indiquant au passage qu'il aurait plutôt une sensibilité de droite, il n'en souligne pas moins sa détermination « à ne jamais parler de politique au sein du conseil municipal ».
Et de confier par ailleurs: « Je n'ai pas à affirmer de tendance. Les maires des petites communes ne sont pas des grands politiciens. Moi-même je suis bien incapable de dire qui mettra la France dans la bonne direction ». Charles Pélanne, maire de Mont-Disse (76 âmes), et conseiller général de Garlin présidant l'intercommunalité, qui s'était engagé sous la bannière du Nouveau Centre d'Hervé Morin, lequel a retiré sa candidature, est pour sa part dans une expectative dont il ne voit guère l'issue. S'il a signé lors de ses deux derniers mandats pour François Bayrou, il ne partage plus aujourd'hui, laisse-t-il entendre, les mêmes engagements sur certaines questions. « A priori, je ne parraine personne », observe-t-il.
Indécision et coups de pouce
C'est aussi l'indécision qui pousse Alain Pédegert, premier magistrat d'Arnos (68 habitants), dans la canton d'Arthez, à ne pas accorder sa signature. Pour autant, il estime: « Un parrainage ne traduirait pas forcément mes convictions ». En clair, les grands partis sont assurés d'obtenir les 500 feux verts. Alors pourquoi prêter aux riches ? « Encourager l'expression démocratique et républicaine », c'est au demeurant ce qui motive Nathalie Irigoyen, qui s'occupe des destinées des 63 administrés souletins d'Etchebar (canton de Tardets).
Lors de son premier mandat, elle avait donné un coup de pouce à Gérard Schivardi, l'artisan-maçon audois. Cette fois-ci, elle apporte son soutien au NPA (nouveau parti anti-capitaliste). Au total, des sensibilités tout en nuances !
Sur le bureau du maire de Villeneuve d’Olmes Gérald Sgobbo, les sollicitations par courrier de candidats en recherche de leurs parrainages commencent déjà à s’amonceler. Et il n’est pas le seul dans ce cas.
Cela va du plus sérieux au plus fantaisiste: Yahia Gouasni (du Parti des antisionistes), au RLF de Jean-François Dole «Ensemble redressons la France», au Modem, en passant par Nicolas Dupont-Aignan, Corinne Lepage ou encore le Parti des Chasseurs.
«Nous avons aussi été sollicités par téléphone» précise le premier magistrat (non encarté) qui pour le moment n’a encore reçu personne.
Pour les petits partis, la chasse aux signatures peut s’avérer très compliquée.
Le conseil constitutionnel se penche en ce moment sur le sujet (à la demande de Marine Le Pen). Et les sages doivent se prononcer avant le 22 février.
Il y a en ligne de mire la question de l’anonymat des élus qui donnent leurs signatures.
Des pressions que pourraient subir les maires suite à un parrainage?
Le scénario n’est pas de la science fiction selon Gérald Sgobbo, «c’est vrai qu’au niveau d’un département, le fait de pas appartenir à une mouvance globale, ça peut rendre les choses compliquées.
Sur une petite commune, la pression peut s’exercer sur des choses très simples, comme un chapiteau qui n’est plus prêté pour la fête du village, ou un service auquel on n'accède plus»
Dans un des plus hauts villages du département, l’Hospitalet-près-l’Andorre (une centaine d’habitants), le maire Arnaud Diaz se dit prêt à parrainer un candidat, «si je reçois des choses intéressantes»
Mais par rapport à l’anonymat, «peut-être que des pressions peuvent exister» explique celui qui est par ailleurs non encarté, «mais il faut avoir le courage d’assumer ses intentions.
Et s’il y a ensuite des blocages aux subventions, il faut le crier haut et fort. C’est ça la démocratie, de ne pas faire les choses cachés !»
Tous ne sont évidemment pas de cet avis. Un des partis dont les militants sillonnent minutieusement le département en ce moment est le Front National.
Deux équipes ont déjà effectué une centaine de visites.
«Nous nous sommes heurtés à des «non» catégoriques !» résume en colère Thérèse Alliot (du Front National de l’Ariège), «certains nous disent qu’ils ne partagent pas nos idées, ce qui est tout à fait respectable.
D’autres nous expliquent très clairement qu’ils ont peur de perdre des subventions»
Le Front National n’a pour le moment obtenu aucune promesse de parrainage dans le département.
«Ça ne serait pas si difficile si l’anonymat existait» se plaint Thérèse Alliot, qui se remémore un évènement déjà vieux de 10 ans.
En 2002, le Front National avait obtenu une seule signature en Ariège, celle du maire de Besset de l’époque.
De quoi aboutir sur une belle polémique, et sur la démission de 5 conseillers municipaux dans la foulée.
Le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste, pour Philippe Poutou) est aussi dans les starting blocks.
Laurent Marty (membre de la direction locale) résume: «nous avons fait la moitié des cantons»
Les visites se poursuivront ce week-end. Le butin est déjà précieux: 11 près-promesses de parrainages, «c’est plus que lors de la dernière élection»
«On travaille tous, donc on fait ça le week-end ou après le travail» raconte Laurent Marty, «en général, on est très bien reçu»
Des pressions sur les élus? «Je pense que ça peut exister. Un maire nous a raconté qu’en 1981, il avait donné sa signature à l’extrême gauche et que tout le village lui était tombé dessus.
Mais nous pensons que ce n’est pas aux maires de faire ça. Nous proposons un système de parrainages citoyens.
50 000 ou 100 000 citoyens pourraient parrainer eux-mêmes les candidats. Cela permettrait tout de même d’avoir un écrémage des mouvements trop marginaux»
En Ariège, le maire de Loubaut Ramon Bordallo (sur le canton du Mas d’Azil) a pris le taureau par les cornes.
Il a réuni l’ensemble du village (17 foyers) pour prendre cette décision, «c’est le maire qui signe, mais il représente avant tout les gens de sa commune. Ça m’a paru important de les consulter»
Un vote a donc eu lieu, «pour permettre à des petits partis de se présenter. Entre le Parti de la décroissance et le NPA, c’est le NPA qui a été choisi»
A la base, le système des parrainages a été instauré pour éviter la multiplication des candidatures fantaisistes.
Lors des trois premières élections présidentielles faites au suffrage universel (1965, 1969 et 1974) le parrainage de 100 élus était exigé.
Mais ce système n’ayant pas empêché la multiplication des candidatures, une réforme adoptée en 1976 a porté ce nombre à 500.
C’est aussi depuis cette date que la loi impose que les noms des élus parrainant un candidat soient rendus publics.
Et pour éviter les candidatures liées à la défenses d’intérêt purement locaux, les parrainages doivent venir d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer différents.
Au Congrès des maires de France, qui s'est ouvert ce mardi, les élus témoignent de la course aux 500 signatures des petits candidats à l'Elysée...
«Je suis maire depuis trois ans, mais avant j’étais conseillère municipale. Ca change tout d’être la «cible», on ne s’en rend pas compte quand on n’est que conseiller!», témoigne Danielle Goyet, maire de Sainte-Hélène-sur-Isère (Savoie). A quelques mois de la présidentielle, la saison de la chasse au parrainage s’est ouverte pour les candidats à la présidence de la République, et surtout pour les plus petits d’entre eux.
Au 94e Congrès des maires de France, à Paris, environ 7.000 élus se retrouvent jusqu’au 24 novembre. L’endroit idéal pour les petits candidats qui veulent «draguer» les maires, même si les premières demandes de parrainage sont parties depuis longtemps. «Ca a commencé avant l’été, d’abord par mail puis par courrier: les représentants des candidats nous demandent de réserver la signature magique», explique Daniel Level, maire de Fourqueux (Yvelines). Selon les maires, la plupart des petits candidats ont commencé à se manifester dès le printemps. Les demandes de parrainage les plus précoces ont même débuté il y a plus d’un an!
«Ce n’est pas que des âneries»
Qui sont ces petits candidats? On en connaît certains: Christine Boutin, Nicolas Dupont-Aignan, etc. Mais la plupart sont complètement inconnus des élus. «Ce sont des gens que je ne connais pas, de toutes tendances, de tous âges», poursuit Daniel Level. La maire de Sainte-Hélène-sur-Isère abonde: «Pour certains candidats, on se demande: ça existe ce parti? Je lis la plupart de ce qu’ils envoient, il y a souvent des idées justes, ce n’est pas que des âneries», reconnaît-elle. Anne Roger, maire de Fanlac (Dordogne), village de moins de 200 habitants, a la même expérience: «Il y a tout et n’importe quoi, des petits partis connus depuis longtemps ou bien des inconnus avec un projet farfelu.»
Le nombre de ces petits candidats est dur à évaluer, mais une chose est sûre: ils sont nombreux. Même les élus des plus petits villages reçoivent plusieurs demandes de parrainage. «Pour l’instant, j’en suis à une petite dizaine», juge le maire de Fourqueux, qui poursuit: «Il y a de plus en plus de candidats, je le vois depuis 1995 où j’étais adjoint au maire. A cette époque, je n’avais vraiment pas l’impression qu’il y en avait autant.» Maurice Jechoux, maire d’Aumontzey (Vosges), est plus tranchant: «Il y a pléthore de candidats, ça n’est pas sérieux», estime le maire, qui n’offrira son parrainage à personne. «Il y a suffisamment d’élus qui donnent leur signature!»
«Il y en avait trois à l’entrée, je les ai esquivés!»
Ce qui est sûr, c’est que pour obtenir ce parrainage, il faut bien se présenter. Les élus attachent une grande importance à la politesse des candidats ou de leurs représentants, et la plupart des maires n’ont d’ailleurs pas à se plaindre d’incorrections. Même si les conflits peuvent apparaître. «Certains petits candidats veulent une signature tout de suite, sans nous laisser le temps de réfléchir», regrette Bernard Broisin-Doutaz, maire de Glos (Calvados), qui raconte s’être même déjà «fâché». «Parfois les demandes se font par téléphone, même sur le portable, et ça peut carrément devenir du harcèlement: le représentant d’un petit candidat m’appelait deux fois par semaine, pour me relancer. A la fin je lui ai dit: arrêtez!»
Quant aux petits partis qui font l’effort de venir draguer l’élu au Congrès des maires de France, ils ne sont pas forcément mieux vus. «Les représentants des candidats présents à l’entrée, je trouve ça assez choquant. Ils distribuent plein de tracts que les gens jettent, c’est du gaspillage!», juge Bernard Broisin-Doutaz. Maurice Jechoux, lui, n’y va pas par quatre chemins: «Ce matin il y en avait trois qui attendaient les élus à l’entrée, je les ai esquivés!» sourit-il. «C’est classique, avant chaque présidentielle ils sont là.»
Subissent-ils des pressions ? Referont-ils le même choix cette année ? Les maires des A.-M. qui avaient donné leurs parrainages à la présidentielle de 2007 nous disent tout. Ou presque
Une petite signature, s'il vous plaît Monsieur le maire ! » La date fatidique du vendredi 16 mars approche. À 18 heures précisément, les prétendants à l'élection présidentielle devront avoir en main les fameux cinq cents parrainages qui leur ouvriront les portes du premier tour. Et, pour certains, le compte est loin d'être bon ! Au point que certains ont déjà jeté l'éponge, comme Christine Boutin et Hervé Morin.
Alors, les maires subissent-ils des « pressions » les empêchant de parrainer qui bon leur chante, comme le dénoncent de nombreux - plus ou moins petits - candidats, d'ailleurs déboutés dans leur demande de révision de la procédure par le Conseil constitutionnel en début de semaine dernière ?
Pour tenter de répondre à cette question, nous sommes allés la poser directement aux maires qui, en 2007, avaient accordé leurs parrainages.
En épluchant les cinq cents signatures recueillies à l'époque par les douze candidats en lice au premier tour de la présidentielle, nous avons retrouvé les noms de treize maires azuréens sur les listes officielles de parrainage.
Cela donne un pourcentage de 13,5 % des maires des Alpes-Maritimes dont le choix a officiellement été enregistré par le Conseil constitutionnel. Ce qui ne fait pas lourd*.
Rien ni personne
Seront-ils aussi (peu) nombreux en 2012 ? Il faudra attendre la prochaine publication officielle, le 10 avril, pour le savoir. Quant à la liste officielle des candidats habilités par le Conseil constitutionnel à se présenter à l'élection, elle sera publiée au Journal officiel du lundi 19 mars.
Alors, pression ou pas ? Tous les maires interrogés nous ont assuré que non. Certains, même, s'emportant presque que l'on puisse leur poser la question. « Personne ne pourrait me dicter quoi que ce soit ! », s'insurge par exemple le maire sans étiquette de Villeneuve-d'Entraunes, Jean-Pierre Audibert, qui soutenait Frédéric Nihous en 2007.
À défaut de pression directe, il est toutefois permis de penser que, dans un département très « sarkozyste », de nombreux maires UMP ou apparentés ne souhaitent pas jouer avec le feu et jouent à fond la carte partisane. Histoire d'éviter de se faire taper sur les doigts a posteriori…
Quant à la frilosité de certains maires à accorder leur parrainage à un candidat plus qu'à un autre… ou de faire un choix, disons, décapant, il faut se projeter en 2014. Cette année-là, nombre d'entre eux tenteront de se faire réélire. Et, dans les petites communes, si l'on tient à l'apolitisme des conseils municipaux, on tient aussi et surtout à rester copain-copain avec les citoyens-électeurs !
*On ne parle pas là des autres signataires, comme les députés, sénateurs, conseillers généraux, ou régionaux ou encore députés européens qui, eux aussi, sont habilités à donner leur parrainage.

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