mercredi 1 décembre 2010

Donner la parole au Peuple, leçon 2.

J'ai évoqué, dans la première leçon, cette histoire de connaissance qui sert de prétexte pour que le peuple reste à l'écart de tout ce qui le concerne. C'est un sujet manifestement important puisque c'est le premier argument qui est cité pour contrer mon projet de Comité de Citoyens. Chose plus étrange encore, cette absence de connaissance concerne toujours quelqu'un d'autre que celui-qui en parle. L'affaire pourrait se résumer ainsi : « Moi, j'ai les connaissances nécessaires mais autour de moi, je ne sais pas! » Pour répondre à cette crainte, cette hantise, cette terreur ou cette peur panique, qui concerne aussi bien les connaissances du peuple que le fait de leur donner la parole, j'avais répondu par « expérience ». L'inconvénient, avec les réponses qui se veulent définitives, c'est qu'elles ne le sont jamais réellement. Et lorsque j'ai affirmé que je n'y reviendrais plus, c'était pour mieux le remettre sur le feu (comme on dit parfois).
La véritable raison, celle que personne n'avouera jamais, qui empêche le peuple de prendre la parole et de s'investir dans la vie de la Nation et la gestion de la République, leur République, c'est l'absence totale de volonté de la part de ceux qui décident. Ces derniers auraient l'impression de perdre leur pouvoir, ou le peu qu'ils ont, comme si le pouvoir, ou son illusion, était la panacée universelle. Il va falloir se réveiller, bonnes gens, ces temps-là sont révolus. Il n'est plus question de pouvoir, d'exercice du pouvoir ou d'autres conceptions du même acabit, même si l'actuel président continue de perpétuer ce mythe désuet (Il le perpétue car il ne veut pas le lâcher, ce qui est grotesque!) Désormais, il est question de gestion, du verbe gérer (le verbe gestionner, quoique fort drôle, sera oublié). Au vingt-et-unième siècle, les citoyens, la société et la République sont confrontés à de multiples difficultés, il faut les gérer, c'est à dire découvrir leurs causes et trouver des solutions. La méthode consistant à réprimer sans comprendre est stupide. C'est la caractéristique principale de ceux qui s'imaginent posséder le pouvoir et qui siègent actuellement au Conseil des Ministres.
Une remarque peut être ici formulée : pour exercer légitimement le pouvoir, il faut prétendre avoir les connaissances nécessaires (d'où viennent-elles? De la sainte ampoule? Ce qui expliquerait cet aspect monarchique de la république) et surtout nier de façon catégorique toute capacité à autrui en général et au peuple en particulier. Je doute que le Général de Gaulle ait donné une constitution à la France pour que de telles inepties existent toujours quarante ans après sa disparition. (Il existe toutefois un contre-exemple : le Général a quand même prononcé cette phrase lors d'une conférence de presse : « Les français sont des veaux! ») Quand le politicien ne veut pas (ou ne peut pas) évoluer, il se sert des vieilles recettes qu'il maquille comme il peut. Libre à son entourage de le croire. Vous peut-être, moi non.
Pour commencer, la connaissance, qu'est-ce que c'est que ça? Voici quelques définitions officielles :
  • La connaissance est l'état de celui qui connaît ou sait quelque chose. Cette définition a le mérite de déterminer qu'il y a connaissance à partir d'un élément de base qui est ce « quelque chose » : il n'est pas question de quantité ni d'un domaine particulier. En somme, tout le monde, même le plus sot parmi les sot, est en possession d'un savoir rudimentaire, même simpliste, qui permet de dire qu'il en a la connaissance.
  • C'est l'exercice de la faculté par laquelle on connaît et on distingue les objets. Pour compléter cette définition, je préciserai que la faculté est une aptitude physique, intellectuelle ou morale. Les synonymes sont les suivants : être apte, avoir la possibilité, être capable, être en mesure, avoir les moyens. En résumé, la connaissance c'est pouvoir séparer les éléments de la vie quotidienne les uns des autres, savoir les distinguer et les trier pour en tirer des conclusions ou des conséquences particulières (comme résoudre ses propres problèmes).
  • Idée, notion qu’on a de quelque chose, de quelqu’un, le fait de le connaître. Cette définition, tout comme la suivante, répète ce qui est dit au-dessus avec d'autres termes.
  • La connaissance est le processus psychique par lequel une âme, percevant un objet, est en mesure de dire ce qu'il est.
  • Partie de la hiérarchie constituée par les données, les informations et les connaissances. Les données sont des faits bruts. Les informations sont des données associées à un contexte et mises en perspective. La connaissance est une information associée à des principes directeurs pour l'action. Voilà qui est plus intéressant encore. Cela mérite qu'on s'y penche.
Au commencement, il a la donnée. Définitions :
  • Informations de départ que l'on se donne pour traiter un problème; hypothèse figurant dans l'énoncé d'un problème; résultat d'observations ou d'expériences pour en faire des statistiques; informations fournies pour un traitement par ordinateur.
  • Point sur lequel on fonde un raisonnement, suppositions, constatations, probabilités, qui, étant indiscutables ou indiscutées, servent de base à une recherche, à un examen quelconque.
Je ne vais pas m'étendre outre mesure sur la nature objective de la donnée, ce qui demanderait trop de temps et des compétences que je n'ai pas forcément. Les faits, à partir du moment où ils ont fait l'objet d'un relevé, passent par le filtre de la perception. Qu'elle soit humaine (par les cinq sens bien connus) ou matérielle (par des capteurs, des sondes etc...) cette perception devient subjective. Autrement dit, un fait brut et objectif n'existe que si personne ne l'a perçu. Il y en a des milliers chaque seconde autour de nous mais nous ne les voyons pas, notre attention n'en retient qu'une partie seulement : c'est ce qu'on peut appeler la vision du monde et qui explique qu'elle ne soit pas unique mais disparate. Le fait que les humanoïdes qui peuplent ce qu'on a coutume de désigner par « plancher des vaches » ou « reposoir à andouilles », ne cessent de se bagarrer pour des conneries (puits de pétrole, places stratégiques, fonds de pensions etc...) découle en partie de cette multiplicité des vues.
La donnée, une fois qu'elle a été repérée et isolée devient une information. Quelques définitions pour comprendre cette notion :
  • Faits, idées, concepts et données qui ont été enregistrés, analysés et organisés de manière à en faciliter l'interprétation et, ultérieurement, le passage à l'action.
  • Mise à disposition du public d'un fait, d'un événement, d'une décision, d'une politique. Elle vient généralement par le biais de ce qu'on appelle les médias : journaux (écrits ou télévisés) presse (magazines, revues) ou la télévision.
  • Toute communication ou représentation de connaissances comme des faits, des données ou des avis, peu importe le support ou le format, y compris les textes, les chiffres, les graphiques, les cartes, les narrations ou les supports audiovisuels est considéré comme une information.
La somme des informations, une fois passée à la moulinette, devient ce qu'on désigne par le terme de connaissance. Avant de se pencher sur la nature de cette connaissance (qui dérive, comme on vient de le voir, de la donnée puis de l'information) je vais m'arrêter sur cette fameuse moulinette qui modifie (ou dénature, oriente, pervertit) cette information. J'appellerai cela : la diffusion de l'information.
La diffusion de l'information est une façon de sélectionner les données qui seront ou non apportées au public, c'est à dire la population. Le type de langage, l'orientation politique et la forme de l'information seront autant de prétexte à interprétation. Pour ne prendre qu'un exemple, je choisis (au hasard) la réforme des retraites. Une plaquette publicitaire (disponible sur http://www.retraites2010.fr) avec un sous-titre évocateur « En savoir plus sur votre situation personnelle », a été diffusée pour vous informer. Malheureusement, ce n'est que de la propagande gouvernementale qui tend à vous faire avaler la réforme comme une réussite majeure et un succès durable. Pour bien enfoncer le clou, c'est le cas de le dire, sur le site internet, vous avez deux précisions :
  • La loi portant réforme des retraites a été promulguée par le Président de la République Nicolas Sarkozy et publiée au Journal Officiel en date du 10 novembre 2010.
  • Le Conseil constitutionnel a déclaré conforme aux principes et aux exigences constitutionnels l’ensemble des dispositions modifiant les règles relatives à la retraite, qu’il s’agisse de l’augmentation progressive de la durée de la vie active, des mesures de convergence entre les régimes privés et publics de retraites, ou encore de l’amélioration des mécanismes de solidarité de nos régimes de retraite.
Ceci est fait pour vous prouver que toutes les procédures ont été respectées et que la loi va tout régler définitivement. Les millions de manifestants qui ont défilé dans les rues cette année pour exprimer leur profond désaccord seront satisfaits de voir combien leur avis a compté. Il a compté, certes, mais pour du beurre! Pour vous convaincre que les avis du Conseil Constitutionnel sont orientés (politiquement) allez voir sur le site officiel et regardez qui siège à ce conseil. Fouillez un peu dans les biographies des sages, notamment celle de Michel Charasse, vous serez édifié. (Rassurez-vous, cet élément fera l'objet d'un billet spécial sur le blog de la polémitique.) Vous pouvez également, et je vous y invite fortement, vous renseigner sur la manipulation de l'information : vous verrez que, là aussi, on apprend beaucoup de choses.
Pour revenir à la connaissance, qui est la suite logique de la donnée puis de l'information.
  • Il est proposé d'appeler « connaissance » tout élément intellectuel qui, après un (long) travail de réflexion et d'objectivation des perceptions et des représentations, peut être évalué comme ayant un degré acceptable de probabilité d'être, au moins en partie .
  • Représentation immatérielle d'une partie du monde (physique, de la conscience ou mathématique) structurée pour un objectif précis.
  • Les connaissances sont des données qui influencent le déroulement de processus. En structurant de différentes façons restrictives l'information, on obtient des connaissances différentes.
  • La connaissance est robuste à condition d'être mathématiquement cohérente et de résister à l'épreuve des faits. Autrement dit, la connaissance n'est que le résultat d'une analyse avec comparaison des éléments apportés par les observations personnelles.
La connaissance n'est pas un pouvoir de clairvoyance reçu par révélation. Ceux qui vous affirmeraient le contraire ne parlent pas de la même connaissance : il s'agit d'une approche de Dieu, une façon de percevoir la divinité, une révélation mystique, que je ne nie pas mais que j'opposerai simplement à la connaissance des choses de ce monde. L'une comme l'autre s'acquièrent : celle de Dieu par la méditation et l'introspection; elle a pour but d'élever son âme vers un état de grâce; celle du monde physique, par l'étude, l'apprentissage et l'expérience de la vie quotidienne. On peut considérer que le processus pour parvenir à la connaissance (celle qui est nécessaire pour pouvoir prendre la parole des mains de ceux qui n'écoutent personne!) se décompose selon le schéma qui va être décrit ci-dessous. Vous aurez noté, au passage et entre parenthèses, l'apophtegme dont la signification n'aura pas échappé au lecteur et qui n'est pas sans rappeler les maximes du maire de Champignac dans les aventures de Spirou! (La culture, c'est cela aussi!)
Le processus qui mène à la connaissance passe dont par les étapes suivantes :
  • L'acquisition : par la lecture, la visualisation, l'écoute, la discussion, l'imitation, la réflexion, la mémorisation et l'apprentissage.
  • La création, par raisonnement, déduction, induction, abduction, analogie. J'ajoute ces quelques précisions (nécessaires!)
  1. A la différence de la déduction qui impose des propositions de départ non supposées vraies, l'induction se propose de chercher des lois générales à partir de l'observation de faits particuliers, sur une base probabiliste.
  2. L'abduction (du latin « abductio » : emmener) est un type de raisonnement d'abord mis en évidence par Aristote : il s'agit d'un syllogisme dont la prémisse majeure est certaine et dont la mineure est seulement probable : la conclusion n'a alors qu'une probabilité égale à celle de la mineure.
  3. L'analogie est une comparaison entre deux notions possédant des points communs, des modes de fonctionnement similaires; Sorte de rapport, de ressemblance dans l’ordre physique, intellectuel ou moral qui existe à certains égards entre deux ou plusieurs choses différentes.
  • La communication, par tous les moyens : auditive, visuelle, textuelle ou graphique.
La finalité de cette démarche est la création de nouvelles connaissances, la validation ou l'invalidation de celles précédemment acquises.
En guise de conclusion, ou de complément, la connaissance est décrite comme une prise de recul personnelle ou collective par rapport à l'information. Elle résulte alors du traitement intellectuel et de l'appropriation par l'individu des informations qu'il acquiert, par l'étude ou la pratique. Ceci nous amène à l'expérience.
Voici les quelques définitions pour l'expérience :
  • Connaissances acquises par des années de pratique. C'est la qualité de ce qu'on désigne par « les hommes de terrain ». Tous les français, répartis sur tout le territoire national, quels que soient les milieu social et culturel sont des gens de terrain. Le peuple de France peut donc être assuré de posséder une vision du pays plus réaliste et concrète que n'importe quelle analyse d'un haut fonctionnaire, même spécialiste et muni de tous les rapports possibles et imaginables, assis derrière son bureau d'un ministère parisien.
  • Tout ce qui est appréhendé par nos facultés sensorielles et qui constitue la matière de la connaissance de l'homme. Je vous laisse imaginer le produit des facultés sensorielles de 65 millions d'habitants.
  • Le fait de ressentir quelque chose comme un enrichissement du savoir, de la connaissance, des aptitudes (expérience professionnelle). Il y a autant de différences entre un ouvrage sur la boulangerie, même complet, et le savoir d'un boulanger qui pratique son art dans un village perdu dans la campagne, qu'entre l'expert scientifique maîtrisant parfaitement son sujet et la population de la France dans sa totalité.
  • Le fait de provoquer quelque chose pour l'étudier, pour l'infirmer ou le confirmer ou pour en recevoir des informations nouvelles (faire une expérience de physique). Cette partie expérimentale est à mettre en place. C'est ce que je propose en instaurant les Comités de Citoyens.
  • Épreuve instituée pour étudier la façon dont se passent les phénomènes naturels et rechercher les lois qui les régissent, en les reproduisant artificiellement; Connaissance d’une chose acquise par l’usage du monde et de la vie.
Pour compléter ce message, voici les différentes significations apportées au terme de compétence :
  • En gestion des ressources humaines, la compétence est souvent définie ainsi : ensemble des savoirs, savoir-faire et comportements tirés de l'expérience nécessaires à l'exercice d'un métier.
  • Synonyme d’habileté et généralement associée à la notion de capacité, la notion de compétence exprime l’idée d’expertise, de savoir-faire développé par un individu dans le cadre d’une situation précise.
  • la compétence est la « mise en œuvre, en situation professionnelle, de capacités qui permettent d'exercer convenablement une fonction ou une activité »
  • Linguistique Capacité d'un locuteur à comprendre n'importe quel énoncé produit dans sa langue maternelle.
Ultime notion qui est rencontrée dans les entreprises, la capacité, dont voici quelques descriptifs :
  • Pouvoir de réaliser ou de produire quelque chose
  • Ensemble de dispositions et d'acquis dont la mise en œuvre se traduit par des résultats observables. ou Potentiel d'un individu en termes de combinatoires de connaissances, savoir-faire, aptitudes, comportements ou attitudes.
  • Aptitude des personnes et des organisations à agir avec efficacité, efficience et de manière durable.
  • Activité intellectuelle stabilisée et reproductible dans des champs divers de connaissance. Terme utilisé souvent comme synonyme de "savoir-faire". Aucune capacité n'existe à l'état pur et toute capacité ne se manifeste qu'à travers la mise en œuvre de contenus. (Meirieu)
  • Ensemble de savoirs et savoir-faire acquis à l'issue d'une formation. La capacité est un potentiel. Il s'agit en quelque sorte d'une compétence qui n'est pas encore éprouvée en situation réelle.
  • Ensemble de qualités susceptibles d'être mises en œuvre et développées pour remplir des activités désignées. Effectivement mises en œuvre, c'est la compétence.
Finalement, vouloir opposer ceux qui sont supposés posséder les connaissances qui justifient qu'ils exercent tous les pouvoirs à ceux qui ne les ont pas parce que ça n'arrange pas les premiers, a permis de prouver que le Peuple de France, avec ses quelques 65 millions de personnes dotées de l'expérience de la vie quotidienne et des capacités à appréhender l'avenir et les solutions pour le construire, représentait un potentiel d'une très grande richesse, encore inexploité, et constituait le remède ultime et imparable dans son originalité et sa profusion contre l'agonie de la France. Ne pas demander aux citoyens de concourir à la sauvegarde de nos intérêts communs est une impardonnable bévue. Si le Peuple de France était un homme, il serait cet homme providentiel que beaucoup espèrent. Par conséquent, la seule et unique royauté réside en la souveraineté de la nation : c'est cela la République.

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